Le Secret du Château Labastide Orliac
Un soir d’orage, d’avril 2007, comme à l’accoutumée à cette saison où les éléments se déchaînent, l’électricité du château resta coupée plus longtemps que d’habitude à cause, sans doute, de la foudre qui avait dû tomber sur le transformateur du secteur.
Catherine et Isabelle constatèrent alors que les piles des lampes de poches n’avaient pas été remplacées et qu’elles se trouvaient dans le noir le plus complet !
Dans cette vieille demeure de leur enfance, qu’elles croyaient connaître par cœur, elles se mirent alors à chercher dans tous les recoins, une bougie pour avoir un peu de lumière.
Mais, à tâtons dans l’obscurité, Catherine trouva accidentellement, dans un vieux meuble, un tiroir secret contenant de vieux objets et de très anciens documents.
Ce qu’elles allaient découvrir à la lueur de la bougie qu’Isabelle avait finalement réussi à dénicher, devait changer leur vie. Tellement surprises et excitées par cette découverte, elles ne purent aller se coucher et attendirent ensemble l’arrivée du jour pour être sûres de n’avoir pas rêvé…
Une découverte incroyable
Ce que Catherine et Isabelle avaient dans leurs mains révélait en détail le prestigieux passé de ce domaine, dont elles ne connaissaient que la mémoire diffuse et très incomplète.
Le clou de leur découverte était une lettre de sauf-conduit délivrée par Louis XVI Roi de France et qui rendait la liberté à leur aïeul, Jean ORLIAC, le protégeant contre toute arrestation ou poursuite par les tribunaux dans tout le royaume de France…ainsi que les recettes secrétes du NECTAR ROYAL . Ces documents éclairaient d’un jour nouveau le passé de la famille et ses rapports privilégiés avec le Roi de France.
Le tiroir secret livra aussi des actes de mariages et bien d’autres documents, quelques objets rares et curieux, une boussole en argent, de petits instruments de mesure et 2 gravures très particulières, dont nous allons reparler…
La clémence du Roy
Jean ORLIAC était un marchand qui possédait quelques navires de commerce allant sur les mers et circulant sur le fleuve de la Garonne. Il vendait ses vins et farines ainsi que ceux de ses voisins à travers toute l’Europe jusqu’aux Antilles d’où il rapporta épices, sels, et autre denrées rares.
L’histoire retrouvée raconte que, suite à la perte de son navire et son chargement dans la Garonne, Jean ORLIAC (1734-1818) fortement endetté, avait été conduit en prison pour banqueroute par ses créanciers. Apprenant cela, Louis XVI (1754-1793) qui goûtait fort bien les qualités des vins du Château de Labastide et portait beaucoup de sympathie en la personne du sieur Jean ORLIAC fut peiné par le triste sort qui s’abattait sur lui et le fit libérer en le plaçant directement sous sa protection, pour qu’il puisse continuer l’exercice de son commerce.
La célébrité
A l’époque, les volumes de ces échanges commerciaux étaient d’une telle importance que les vins de l’arrière-pays du Brulhois, (Lot et Garonne Tarn et Garonne et Gers), une fois arrivés au port d’expédition prenaient le nom de Bordeaux, et contribuèrent largement par leur qualité à la renommée des vins dits « de Bordeaux » à l’époque où le système des appellations n’existait pas encore.
La célébrité de Jean ORLIAC grandit d’autant. Tout le monde voulait l’avoir pour ami et la consommation de son vin se répandit sur toutes les belles tables du royaume. La prospérité était revenue dans la famille Orliac, qui put ainsi honorer toutes ses dettes.
Comprenant la faveur dont Jean ORLIAC jouissait auprès du Roi, ses créanciers devinrent nettement plus conciliants. Les grands du royaume se mirent aussi à acheter le vin du Château Orliac pour se faire bien voir du Roi et les courtisans emboîtèrent le pas.
La révolution
Mais hélas, quelques années plus tard la Révolution devait survenir, Jean ORLIAC et sa famille se virent contraint de partir pour la Martinique.
Ils y passèrent neuf ans et revinrent en France en compagnie d’une tante surnommée Tante Accra, tant elle était réputée pour ses beignets d’acra typiques de son île. Ils revenaient aussi avec un bateau chargé d’épices conditionnées dans des caisses d’acajou dont le bois fut utilisé pour refaire le mobilier du Château Labastide alors détruit par la Révolution.
La royauté dissimulée
Jean ORLIAC reprit en main son domaine maintenu tant bien que mal par ses voisins, paya pour eux tous les impôts des habitants du village alors écrasés de taxes par le nouveau régime, comme en témoigne le livre de compte de 1791, et œuvra autant que possible à la restauration de la Royauté, comme le prouve aussi les deux gravures découvertes dans ce même tiroir secret. Faites après la révolution, ces gravures expriment, en images codées la défense de la Royauté. Elles représentent le Roi, la Reine Marie-Antoinette et leurs enfants, mais de façon totalement caché et anonyme. C’est un témoignage des valeurs de la famille ORLIAC à l’époque, de leur attachement et de leur reconnaissance envers le Roi.
Durant tout la période qui suivit la Révolution et même pendant la Restauration, règnes de Louis XVIII et Charles X, afficher une appartenance à la royauté n’était pas sans danger… Le fait que les gravures aient été dissimulées témoigne encore du climat de l’époque à laquelle le tiroir fut refermé pour être oublié pendant plus de deux siècles avant qu’Isabelle et Catherine ne le redécouvrent.